[Best_Wordpress_Gallery id= »3″ gal_title= »Avignon, samedi 19 juillet 2014″]

La caravane culturelle syrienne a passé la journée au festival d’Avignon. Le matin, les œuvres ont été exposées au parc Pasteur de l’Université où un débat sur la situation en Syrie a rassemblé bon nombre de participants. De nombreux visiteurs ont pu visiter l’exposition toute la journée. Le soir, place des Corps-Saints, après la lecture théâtrale de Darina Al Joundi (textes à lire plus bas), des vidéos postées par des blogueurs syriens ont été projetées.

La caravane a poursuivi son chemin dimanche et fait étape chez nos amis Eliane et René Ungaro au Tholonet (Aix-en-Provence). Leur accueil chaleureux nous a fait chaud au cœur après que la boîte de vitesse du van nous a joué des tours. Mais l’ingéniosité de notre grand chef à tous, Mohamad Al Roumi, est venue à bout de cette machinerie récalcitrante. Couvert de cambouis jusqu’aux cheveux, il est ressorti de sous le ventre de la caravane, triomphant, après avoir revissé les morceaux détachés.

Hazâr al-Hark, jeune comédienne syrienne, a posté ce texte sur Internet. Il a été lu par Darina Al Joundi (Traduction Rania Samara©)

 Une Syrienne chanceuse

Je suis une Syrienne chanceuse… Je suis en vie et je jouis encore de mes cinq sens… Je possède encore mes jambes, mes bras, mes doigts et mes orteils… Tous les traits de mon visage sont encore à leur place.

Je suis une Syrienne chanceuse… Tout en écrivant ces mots, je peux appuyer sur un bouton et choisir la musique qui me plaît ou écouter les chansons que j’aime… En appuyant sur un autre bouton, je peux éteindre la lumière et m’endormir… J’ai trois oreillers, un édredon, une couverture et des draps éclatants de blancheur… Je peux dormir sur les quatre côtés de mon corps à tour de rôle… Je peux me tourner et me retourner dans mon lit à ma guise.

Je suis une Syrienne chanceuse… Je peux réveiller mes deux enfants avec un baiser ou avec six … Je leur parle, je les gronde, je joue avec eux, je leur enseigne des choses… Le soir je les mets au lit, je leur souhaite une bonne nuit avec un baiser… ou avec six, sans redouter de me réveiller le lendemain et ne pas les trouver, ou qu’une partie de leur corps soit tombée… Aucune crainte ni aucune plainte.

Je suis une Syrienne chanceuse, ma mère me prépare le café du matin… Je danse à la cadence de la canne de mon père, sur la terrasse fleurie sous laquelle il repose.

Si j’ai faim, il m’arrive de dévorer une galette entière de pain, sans penser au lendemain… J’ai dans ma cuisine du riz, des lentilles, du sucre et du thé… Le café ne manque jamais chez moi… J’ai des pommes plein le frigo… De l’eau chaude à volonté et du savon parfumé à la rose dans ma salle de bain.

Je suis une Syrienne chanceuse… J’habite une maison aux murs de pierres, au toit de pierres. Ma porte est en bois massif, elle est munie d’une clé… Je la ferme quand ça me plaît au nez de l’ennui, au nez du vent.

Je ne suis pas morte sous la torture ni par la balle d’un franc tireur…
Je n’ai pas gelé dans le désert des exils…
Je n’ai pas été asphyxiée par le gaz sarin…
Je ne me suis pas noyée dans la Méditerranée…
Mon corps n’a pas été dévoré par les chiens ni par les poissons ni par les tortionnaires…
Je suis une Syrienne chanceuse et mon cœur éclate de chagrin…

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